Episode 4 : [La trémie de Marange Silvange] (11/05/22)

Ce long chantier est enfin terminé. Ce vendredi (13/05) sera officiellement inauguré cette portion à 2x2 voies de la RN52. C’est tout beau, c’est tout neuf, c’est tout frais, et depuis le temps qu’on en entend parler, ça va enfin servir.

Mais si localement cet aménagement semble consensuel, l’est-il si l’on regarde d’un peu plus haut ?





Alors résumons d’abord le verre à moitié plein.
C’est un beau chantier, parce qu’il permet d’éliminer un point conflictuel. Une route passante, d’envergure départementale, qui traverse une petite ville avec des habitations aux abords. 
A cet endroit, le bruit va disparaître et le paysage va être moins moche.




La pollution, à défaut de disparaître, va être drastiquement réduite et déplacée un peu plus loin des habitations.
La route secondaire qui croisait la VR52 (reliant Marange et Silvange) va trouver une continuité dans sa traversée urbaine.
 
Enfin, de leur côté, les automobilistes ne subiront plus ce carrefour urbain sur cet axe supposé être une voie express.
 



Attention aux tentatives d’analogie. Nous ne sommes pas dans le même cas que Florange, où on voudrait créer une autoroute nouvelle A31bis en tranchée couverte. 
Ce tunnel améliore la situation initiale parce qu’il vient panser une coupure urbaine existante
 






L’investissement était considérable, mais il améliore largement la situation pour tout le monde. C'est donc un exemple à suivre.
Voilà, c’est tout pour les points positifs (c'est déjà pas mal).


Voyons maintenant les points critiques.. Et sans avoir à chercher loin, ils sont assez nombreux.

En fait, dès qu’on s’éloigne de la seule trémie dans son environnement, on commence à froncer les sourcils.
Le projet routier ne se limite pas qu’au seul tunnel et la 2x2 voies qui passe en dessous. Celle-ci est prolongée sur 3km vers Pierrevillers.

Premier problème: hormis la traversée de Marange-Silvange, l'essentiel du parcours est en tracé nouveau. L'ancienne nationale ne va pas disparaître.
C'est un gros problème récurrent des "règles de l'art" de l'aménagement routier. On ne transforme pas, on ajoute, on artificialise.

D’ailleurs, à quoi sert ce barreau de raccordement de Pierrevillers ? Si ce n’est que pour de la desserte locale, la route d’origine suffisait, tant vers Rombas que Marange.
Détail symptomatique; la consommation foncière est toujours la dernière roue du carrosse.
 

Second problème : en dehors du tunnel, elle est aménagée en 2x2 voies… à rond-points.
Et ça c’est un modèle d’aménagement à proscrire absolument (sauf dans quelques cas particuliers).
C’est même surprenant que la 2x2 voies à giratoire soit encore un modèle en catalogue.
 




C'est simple, elle ne cumule que des inconvénients:
Changement de vitesse et accélération/freinage incessants (on passe de 110 à 40km/h, avec parfois un arrêt total).
Autrement-dit la pire combo pour la pollution.
Mais aussi cela provoque aussi du bruit, accélérations dans toutes les directions. C'est désagréable pour les passagers, secoués dans tous les sens, désagréable pour le conducteur.
Cela incite à la conduite agressive... et dans le nord mosellan on en voit bien les effets !
 
 

 

ici l'exemple de Béchy

Il vaut donc mieux privilégier les aménagements qui permettent une continuité de vitesse (quitte à ce qu’il soit en 2x1 voies, éventuellement séparées). En faire moins, mais les faire mieux.




 

Le contournement de Yutz,
 sur le site Knauf (à gauche l'A31)
De ce point de vue, l’élargissement du contournement de Yutz est l’exemple type de ce qu’il ne faut pas faire : passer à une route continue à une 2x2 voies à rond-point (dont on peine en plus à saisir l’utilité)

Bref, le rond-point a bien son domaine de pertinence, essentiellement en périphérie d’agglomération (et au croisement de routes équivalentes en pleine campagne). En dehors de cela il est contre-productif.
On reviendra là-dessus.


Le troisième problème, il se trouve que cette N52 est parallèle à une autre voie rapide à seulement... 1,5 kilomètres plus à l’est! C’est la D112f, qui relie l’A4 à Waligator, et dont le prolongement a été aménagé (par le CD57 cette fois)… en 2x2 voies à rond-points, jusqu’à Hagondange et le pôle d’attractions d’Amnéville, où elle se termine plus ou moins en cul-de-sac.
On peut donc se demander : plutôt que d’aménager la "route de Rombas" (N52 via Marange-Silvange) sur place, n’eût-il pas été plus judicieux de prolonger la voie rapide du Galaxy vers Rombas ou Vitry-sur-Orne ?


(On avait plusieurs alternatives à l’époque, l’urbanisation les a réduites entre temps). 
Celle-ci a l’avantage de limiter les tronçons neufs.
Evidemment tout cela aurait eu un coût, mais c’est à mettre en balance avec celui du tunnel et de la voie nouvelle de Marange-Silvange qui aurait été économisé.

Et c’est là que se dresse un obstacle administratif : la VR52 et ce chantier, c’est l’Etat. Tandis que la route du Galaxy, c’est le département.

Et on en arrive aux inévitables effets délétères du  millefeuille administratif. Si tout ce beau petit monde, en particulier les élus départementaux s’étaient un peu plus penchés sur la question, on aurait évité la construction d’une autoroute supplémentaire. 


Etat et département se seraient « échangés » les deux routes (ça arrive fréquemment dans des circonstances similaires), et l’Etat aurait fait les travaux sur la route du Galaxy. Prolongement jusqu’à l’Orne, et dénivellation des giratoires. Pour une dépense moindre par rapport à la construction d’une voie express nouvelle et surtout la trémie.
 






Quant à la route de Rombas, son trafic se serait réduit à l’accès à Marange-Silvange, Pierrevillers, Malancourt et une partie de Rombas. Mais le trait d’union entre Metz et Rombas, la vallée de l’Orne, Fameck et l’A30 aurait basculé par Amnéville.
 
Il y a malgré tout un aspect délicat à examiner : le "trafic induit". Toute route nouvelle fabriquant des déplacements automobiles nouveaux, comment faire au mieux pour contenir au maximum le phénomène ?

1) Le statu quo : probablement le meilleur pour limiter la prolifération automobile qui asphyxie le secteur. Oui, mais cela aurait voulu dire le maintien des conflits d’usages et des nuisances à Marange-Silvange et Pierrevillers.

2) Ce qui va être inauguré : c’est sans doute le pire : on crée une nouvelle voie rapide.

3) L’aménagement via Amnéville. Pas neutre, mais qui a au moins l’intérêt de ne pas saupoudrer les flux dans toute la zone.
On aurait eu qu’une seule voie express au lieu de deux le long de la rive gauche de la Moselle…

Euh pardon, 2 au lieu de 3, pas 1 au lieu de 2…
(et ouais, elle commence à être bien rayée de VR, notre rive gauche…)
Parce qu’il y a aussi l’A31, bien-sûr, sur son tronçon le plus chargé. 

Ce qui nous amène à un autre argument régulièrement défendu par les élus du coin : créer un itinéraire de délestage à l’autoroute.

Il faut s’empresser de préciser que cet argument transpire toujours la mauvaise foi. L'"itinéraire de délestage", il n’est brandi que pour justifier un projet routier nouveau. Et y compris, immanquablement, pour cet axe N52, mais jamais il n’y a eu une réelle réflexion sur un schéma routier des rives de Moselle où auraient été étudiés des itinéraires « bis » à l’A31. 

Alors pour faire cet exercice, il faut garder deux choses en tête :
- Le problème du trafic induit
- La solution moindre mal par rapport à des projets augmentant l’autoroute.
Et ici, on a une voie rapide (deux en fait). Pourrait-elle jouer un rôle de déversoir en cas de trop plein (en particulier en lien avec l’A30) ?
 



Et en fait, cela met en évidence un constat surprenant : pourquoi la N52 ne joue pas DÉJÀ ce rôle ? Après tout, vu les conditions de circulation sur l’A31 aux heures de pointe, quotidiennement décriées, il en faudrait peu pour faire concurrence.

C’est le quatrième problème. C’est là qu’on retombe sur le point précédent : la discontinuité et surtout l’enfilade de rond-point. Ce qui fait que l’A31, malgré tous ses défauts reste nettement meilleure et plus fiable (c’est dire !)
 

Elle a bon dos, l’A31, l’autoroute « la pire de France » (allez donc vous balader sur la francilienne !), pour justifier une succession de voies rapides nouvelles tout aussi mal fagotées les unes que les autres.
Souvenez-vous-en la prochaine fois qu’on vous parlera d’ « itinéraires alternatifs », sur la rive gauche comme sur la rive droite…
Tiens, au fait, est-ce qu’on n’a pas non plus une 2x2 voies sur la rive droite ?



Bingo ! Et ben si !
En 4 km d'est en ouest, on croise donc 4 voies rapides parallèles 😱 (3 2x2 et 1 autoroute 2x3)! 
Et celle de la rive droite, est-ce qu’elle est aussi mal fignolée que les autres ?










Bingo ! Et ben oui !
La D1 a été mise partiellement à 2x2 voies. Les villages sont tous déviés de Metz à Thionville (excepté Bertrange). Et concomitamment on a multiplié les rond-point.

  
Ce serait une excellente alternative à l’A31 pour des trajets Metz – Thionville. Mais personne ne fait ça parce que même chargée en heure de pointe, l’A31 est moins pénible.
Donc quatre voies rapides côte à côte, et aucune d'efficace! 👌

On n’évoquera même pas l’ex route nationale (D953), en milieu urbain de tout son long, une véritable thrombose permanente.
Le meilleur exemple, si c’était encore à prouver, qu’être entouré d’autoroutes et de pseudo voies rapides ne garantit aucune fluidité.



Le constat est contre-intuitif mais sans appel : même à Metz les faubourgs sont beaucoup plus fluides qu'aux Rives de Moselle, malgré une ribambelle de routes à fort trafic.
Oui mais… Vous me voyez venir ! Que trouve-on à Metz qu’on ne trouve pas aux Rives de Moselle ?


Ben oui. Avec la CCPOM (Marange Amnéville Rombas Moyeuvre), les Rives de Moselle forment une agglomération de 100k habitants. 
Sans réseau de transports en commun.
C’est là où on se demande comment l’Etat a déboursé une telle somme dans la RN52 sans avoir tiqué sur cette anomalie. 
La réponse aurait logiquement dû être : « faites d’abord le boulot à votre niveau ».


C’est la dernière critique de cet épisode : Rives de Moselle reste désespérément déstructurée, figée par une possible intégration de Metz Métropole, et sans être capable d'exprimer sa propre volonté là-dessus (maires divisés et peu intéressés).


Pour ne rien arranger, il n’y a pas 1 intercommunalité mais 2, dont la limite se situe à travers le centre névralgique ! 
Tous les ingrédients de l’échec institutionnel sont déployés.




On veut bien croire que cette tétanie répond aussi à une demande : l’individualisme, l’absence de services et une faible fiscalité. 
Force est de constater que cette offre de petites villes américanisées trouve son public.






Pourtant, c’est l’une des principales sources des problèmes de mobilité du secteur, où la demande est forte. 
Résultat des courses, on poursuit l’expansion effrénée des voies express, en détournant le regard, et sans savoir où l’on va.
 







Conclusion : derrière la vitrine d’un bel ouvrage, on réalise une voie rapide de plus, aussi mal finie que les autres.
Il aurait mieux fallu laisser la N52 telle quelle, réduire son usage à la desserte de Marange-Silvange et Pierrevillers, et optimiser la route d’Amnéville.
 







Une trémie de ce genre, l’Etat aurait pu la réaliser sur l’A31 à Metz-nord.
Et pendant ce temps-là on n’a toujours pas résolu le problème de l’absence transport urbain dans les Rives de Moselle, et la sur-dépendance à la voiture qui empoisonne ces villes.

A la prochaine!




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