Episode 5 ▶️La navette fluviale Metz'O◀️ (18/05/22)
Difficile de passer à côté de cette actu: la navette fluviale Metz'O va être lancée prochainement sur la Moselle entre Metz et Longeville.
Pourquoi est-elle autant fustigée et de quoi est-elle révélatrice?
Alors comme chacun s’en doute, il ne sera ici pas du tout question d’encenser cette invention.
D’abord, on va essayer de retracer l’origine de l’idée, comprendre d’où elle vient. Ce faisant on commencera à identifier des inadéquations.
Ensuite vous pourrez voir pourquoi cette navette n’apporte aucun service nouveau ni n’en complète.
Ce qui amènera à la lecture politique, l’interrogation "mais alors pourquoi ?", les opérations de diversion à coup de gadget… Et constater qu’elles sont en fait très courantes.
C'est une petite péniche qui fera des navettes entre le plan d'eau (quai des Régates) et le port de plaisance de Longeville.
2 arrêts intermédiaires.
30 minutes de bout à bout
4 à 10 Aller/retours par jour.
Ensuite, quel intérêt ? Et bien faute d’en trouver, voyons comment il est défendu par l’Eurométropole.
"Solution 100% électrique ;
Cela peut amener aux transports en commun des personnes rétives ;
Plaisir d’une promenade calme"
(dixit François Grosdidier) https://c.republicain-lorrain.fr/economie/2022/05/10/embarquez-a-bord-des-futures-navettes-fluviales-metz-o
Et le maire-président de Metz Métropole de désigner une expérience semblable à Bordeaux.
Bon. Et bien voilà qui nous fait une excellente entrée en matière: cet argumentaire est entièrement galvaudé.
Pour commencer, qu'est-ce qui faisait l'intérêt d'une navette fluviale à Bordeaux (ou Nantes) ?
C'est que ces villes, sur des estuaires très larges, ont peu de ponts, les villes sont coupées par l'eau.
Or si à Metz l'eau est très présente, la Moselle y est subdivisée en plusieurs bras, pas très larges et les franchissements y sont très nombreux. Metz est une ville de ponts.
C'est moins le cas dans la partie sud-ouest, mais les abords de la rivière, en zone inondable, ne sont pas urbanisés.
De fait, la plupart des navettes fluviales similaires se situent dans des villes proches du littoral (en dehors des bateaux-mouches touristiques, on y reviendra).
A Metz sur la Moselle, on est en dehors du domaine de pertinence.
La facette touristique nous amène au deuxième argument à démonter: ce mode de transport sympa et «le plaisir d'une promenade calme».
Sans doute là-encore inspiré de l'exemple bordelais.
Et le témoignage de gens ravis de pouvoir joindre l'utile à l'agréable.
Oui mais on y voit que les voyageurs ne sont pas d'anciens automobilistes, mais des usagers des bus et tram, souvent captifs. http://imprimaturweb.fr/2021/03/31/sur-le-bat3-une-traversee-aux-airs-de-long-fleuve-tranquille/
Ce qui vient invalider ce voeu pieu: «Cela peut amener aux transports en commun des personnes rétives».
Et on en arrive au cœur du problème. Ce qui freine l'automobiliste à passer aux transports collectifs, c'est la perte de la souplesse qu'offre la voiture. Et là où les transports en commun fonctionnent le mieux et où sa part modale est la plus haute, c'est là où sa densité est la plus haute.
Pour attirer des nouveaux usagers TC, il faut avant tout viser des lignes aux périodes de passage d'au moins 10 minutes, comme l'explique Keolis. (https://gillescordier.fr/doc/keoscopie3.pdf, p21)
A Metz, seules les lignes Mettis et la L1 valident ce critère.
C'est dire si ce n'est pas vraiment le moment de saupoudrer les moyens vers des diversifications fantaisistes.
C'est inévitablement là-dessus qu'a contre-attaqué l'opposition.
Et puis il reste l'argument «c'est intégralement électrique et ne jettera pas de gaz à effet de serre».
🤦OK. Elle n'en aurait pas plus émis si elle n'avait pas été mise en place.
Mais surtout, cette anecdote reflète tellement le biais de la décarbonation des véhicules TC.
2° A ce compte-là, il eût été plus avisé d'évoquer l'absence d'émission de particules fines, problème plus sensible dans les villes.
3° Quand on parle de transport de voyageurs, le gain se calcule en fait sur les km de voiture évités.
A côté la motorisation du véhicule est négligeable.
[D'où l'intérêt de rouvrir des petites lignes ferroviaires ou renforcer des lignes d'autocar en campagne, fût-il avec des véhicules diesel; à moins de vraiment faire n'importe quoi, le bilan carbone sera largement positif.]
Vu qu'ici le service qui ne dessert rien de nouveau ni ne complète, ni ne maille ni même ne crée d'interconnexion, et globalement ne répond à aucune lacune identifiée, ce n'est pas susceptible de retirer des voitures de la circulation au quotidien.
N'oublions pas que pendant ce temps-là, l'offre n'augmente pas sur les lignes principales (Mettis & Lianes), rien n'est fait pour les lignes saturées aux heures de pointe (Mettis, L1, L3)
Et pis, la tendance est plutôt celle d'une offre à la baisse. (été 2022)
Bon tout ça c’était pour commenter la promotion faite par les défenseurs du projet. Mais il y a encore d’autres choses à dire.
Déjà que "les défenseurs", grosso-modo se résument au seul François Grosdidier.
C'est une lubie.
La vice-présidente déléguée semble bien en peine à défendre Metz'O, apprend-on dans cet échange lunaire.
Où on apprend qu'aucune dans ce cas particulier on ne détermine pas de seuil d'échec; la rigueur budgétaire est devenue une question taboue.
Détail anecdotique: le site de Le Met' (car oui c'est intégré au réseau de transport urbain au même titre qu'une ligne de bus) nous survend les correspondances.
En réalité les pontons sont bien éloignés des arrêts de bus (qui portent des noms différents d'ailleurs).
Pour le reste, la seule chose qu'on pourra retenir, c'est qu'une telle navette peut s'envisager à des fins touristiques. Et derrière la com', c'est bien ce qu'on déduit entre les lignes: un lancement en juin, expérimental pour l'été.
(Pour les touristes allemands?)
Mais si on veut lutter contre le réchauffement climatique, les décès prématurés liés à la qualité de l'air et la thrombose automobile, il faut 🍀encourager le report modal🍀
Il faut renforcer les lignes de bus, singulièrement les Lianes et les rendre plus rapides et fiables.
Car cette navette présente un avantage : elle est tellement caricaturale qu’elle met le problème en relief.
Pourquoi François Grosdidier a-t-il voulu faire ça?
On devine le raisonnement du futur édile.
La forte présence d'eau à Metz (à valoriser)
La congestion routière (la voie d'eau permet d'y échapper - oui mais au prix du doublement du trajet)
L'exemple de Bordeaux
Et puis c'est cool, ça innove, ça a l'avantage de la nouveauté.
Les travers trop récurrents qui font qu'on avance si mal.
Le danger gadget, la solution diversion. On était déjà tombé sur la même conclusion à propos du concours des trains légers. https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEggQ9HQzMHSyLFEVq-2lOY5RtwZU1YHlxtJ0oXqBGcEF05OWgAebyjfJX96uP0WXfSzlqcD_fTflZamikytFbNYwIzO8e3C_wJhp8VSRCtvJPuTk_OKgD_sPXydgpfaYDq3OB8Kozr3d2y9BOeimpIQMYcW928cdCeGfwR2dRTH8-87E_GeQPkxR4Ki/s990/lunettes.png
Ou plus concrètement dans la région avec le fameux "monorail" vers Luxembourg (défendu par des élus thionvillois, avant d'être repris par le candidat... F. Grosdidier!)
Puissent à l'avenir les politiciens reprendre les problèmes dans le bon sens, et cesser la tentation des opérations marketing qui font perdre du temps à tout le monde. C'est lassant.
Dites-donc, c'est bien plus complexe de produire un contenu de qualité sur un sujet aussi pété. C'est tout le problème de démontrer l'évidence.
A la prochaine!



















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