Episode 9 [Augmenter la capacité de la ligne TER du sillon lorrain. Faudra-il une 👉 Troisième voie sur la ligne ferroviaire #Thionville - #Bettembourg 👈?] (19/10/22)


  Va-t-on avoir besoin de construire une troisième voie sur la ligne ferroviaire Thionville - Luxembourg entre Thionville et Bettembourg?

Cela fait partie de ces mesures secondaires, dont on ne prête pas trop attention, qui reviennent régulièrement, qui parfois semblent officielles, sans jamais être confirmées. Il y a un mois encore Lorraine Actu en faisait écho du maire de Thionville.

Indispenable? Pour quoi faire? Au-delà des fantasmes, quelles perspectives pour cette ligne TER Metz Luxembourg?

Etat des lieux et prospective. (⚠️gros dossier qui suit!)


Alors d’abord, un petit recadrage du sujet : il va de soi que l’intention est parfaitement louable, et on n’est pas cette fois tombé dans le piège « innovation » en remettant sur le tapis un sujet type monorail.

Toutefois, malgré tout, une troisième voie entre Thionville et Bettembourg (on va considérer que c’est cela que voulait dire Pierre Cuny) est elle aussi une ineptie technique : elle ne permettrait pas de faire rouler des trains supplémentaires.

C’est l’objet principal : démonter cette idée de troisième voie. Alors comment est-ce possible qu’une voie supplémentaire n’augmente pas la capacité de la ligne ?

Et bien on a tendance à croire que la capacité d’une ligne va dépendre de l’infrastructure et sa conception, alors qu’en fait elle est déterminée avant tout par la nature du trafic qui y circule. En gros, plus les trains ont une mission semblable (mêmes trajet, arrêts...), et plus on va pouvoir en mettre. A l’inverse, plus les circulations sont hétérogènes (différents itinéraires, arrêts desservis…), plus les trains vont se parasiter et moins on pourra en mettre. 

L’infrastructure en elle-même n’est pas illimitée, elle a bien une capacité maximale, mais celle-ci est très élevée et surtout très théorique ; dans les faits on ne l’atteint jamais. La « capacité » est donc toujours relative à une situation donnée.

Et second point qui en découle : lorsqu’on parle d’un aménagement d'infra qui va faire «gagner de la capacité», cela renvoie l'image erronée d'un "ajout de capacité" à l’existant. L'image plus juste serait la suppression d'un obstacle qui faisait chuter la capacité.


Et cette considération change une chose fondamentale : 

si on réalise un aménagement où il n’y a pas l’obstacle correspondant… Et bien à la fin on n’aura rien gagné. C’est notre cas de figure.

 



La solution 3° voie est efficace essentiellement lorsqu’elle permet des dépassements de trains. On ne parle bien-sûr pas des voies d’évitement d’environ 1000m qui permet à des trains de fret de se garer le temps de se faire dépasser par un train de voyageur plus rapide.

Cette solution convient rarement pour 2 trains lancés à pleine vitesse : pour qu’ils aient le temps de se doubler, il faut une énorme distance (supérieure à 30km). Sans quoi arrivés à une extrémité, un des deux trains doit donc s'arrêter le temps d’être distancé par l’autre train.

Pour des raisons de sécurité évidentes, les trains doivent garder une certaine distance les uns des autres. Pour cela il faut au moins 3 haltes incluses dans la section à 3 voies, sans quoi le train dépassé devrait marquer un arrêt prolongé à la fin de la section.

 

C’est là qu’est l’os: de Thionville à Bettembourg il n’y a qu’une gare intermédiaire. Ce qui fait que, malgré seulement 2 voies, cette section a une très bonne capacité. Et resterait suffisante même dans le cas des scénarios d’augmentation de la fréquence les plus ambitieux.




Il y avait bien dans les cartons des projets de création de haltes à Thionville-nord (Manom) et Kanfen. Dans ce cas de figure, une troisième voie aurait été pertinente (voire indispensable ; et même probablement une quatrième).

Mais ces projets ne semblent plus à l’ordre du jour.







Là où les infrastructures sont actuellement insuffisantes, c’est sur la partie luxembourgeoise, entre Bettembourg et Luxembourg. Et même lorsque sera inaugurée la ligne nouvelle le long de l’autoroute, ce sera toujours le réseau luxembourgeois qui contraindra le trafic.


Pour l’instant, la suroccupation de la ligne entre Bettembourg et Luxembourg, que nos trains partagent avec ceux d’Esch-sur-Alzette laisse plein de place sur le segment Bettembourg – Thionville

Demain, avec la nouvelle ligne Howald – Bettembourg, ce tronc commun sera supprimé.

Cela laissera de la place à une intensification du trafic entre Thionville et Luxembourg. Mais la ligne nouvelle, qui recevra peu ou prou le même trafic que Bettembourg – Thionville, est en construction, à 2 voies.

Côté français, le réseau est vieillissant, mais bien pourvu. C’est un héritage du passé industriel de la région. Avec notamment les quatre voies entre Thionville et Woippy.

Sur ces quatre voies, d’énormes gains de capacité peuvent être dégagés par quelques aménagements ponctuels, sans élargir l’emprise ferroviaire ni créer de voie supplémentaire. Mais en avons-nous vraiment besoin ? 



Pour y voir clair, il faut surtout un peu de méthodologie. Avant de se perdre à refaire le monde, regardons plutôt dans quelle mesure nous pouvons augmenter la fréquence des TER Metz-Lux, où apparaissent les points de blocage et comment les résorber. Le tout en partant des projets en cours et en graduant jusque-là où on veut aller.

Ci-contre, le schéma de la ligne ferroviaire Metz Luxembourg. L'itinéraire des TER est représenté en violet (le vert correspond aux trains de fret).

Les principaux points noirs se situent à la sortie nord de la gare de Metz ("Metz-marchandises"), à Woippy, au sud de Thionville et à l'entrée sud du triage de Bettembourg. Il y a bien-sûr également la jonction de Bettembourg avec la ligne venant d'Esch-sur-Alzette, mais qui est en phase d'être résolue.


Et voici donc, avant de rentrer dans les détails, les conclusions.

Ce qui ressort de ce tableau récapitulatif, c’est qu’en plus des coups partis :

1) Il faudra trouver d'ici 2028 une solution pour le fret nord-sud dans la traversée messine

2) Ensuite, si on veut augmenter davantage la capacité de la ligne en HP, deux gros ouvrages d'art sont à envisager : un saut-de-mouton à l’entrée du triage de Bettembourg, et un autre au sud de Thionville.

Plus concrètement, ce que nous allons voir par la suite, un saut de mouton (par exemple entre Thionville et Uckange) permettrait de supprimer les croisements entre les circulations fret et TER tout au long des 4 voies entre Thionville et Woippy

Total : de 65M à 160M côté France ; de 30M à 80M côté Luxembourg.
De tels investissements suffisent pour envisager le transport de plus 40 000 voyageurs en 3 heures (au moins 12 TER/heure de pointe). 

Tout en maintenant l’insertion potentielle d’un train de fret et un TGV par heure par sens. Et en envisageant le développement de liaisons TER Metz - Trèves.

Voilà ce qu'il y avait à dire sur le sujet. Politiciens, à présent faites vos jeux !

Maintenant, il va falloir étayer un peu tout ça et rentrer dans la matière. Prenez votre respiration. 






Voyons jusqu’où pouvons-nous pousser le niveau d’offre sur la ligne TER Metz-Luxembourg.

Tout d’abord : le niveau zéro, ce qui est déjà dans les tuyaux :

A partir de 2024 : introduction des 16 rames TER2N pentacaisses achetées d’occasion à la région Normandie, qui viendront doubler le nombre de places assises du parc franco-luxembourgeois.

D’ici-là les quais de gares seront adaptés pour recevoir des trains plus longs, tous nos trains pourront avoir une composition autour de 1000 places assises. Soit un double de l’offre actuelle (18k voy/3h, soit +100%). Et ce sans augmenter le nombre de circulations.

Ensuite: Horizon 2028, ouverture de la ligne nouvelle Bettembourg – Howald, les trains du sillon ne rejoindront ceux de la ligne Luxembourg – Noertzange – Belval – Pétange non plus dès Bettembourg, mais à Howald.
La fréquence des trains en pointe sera alors poussée à 8 TER/h, contre 6 aujourd’hui. La capacité sera encore multipliée par 1,5 (2,5 par rapport à aujourd’hui). Aujourd’hui, en 3 heures de pointe, les trains transportent 9000 sièges ; en 2028 on arrivera à 24000 (+150%).






(Et encore, lorsqu’on dit « par rapport à aujourd’hui », il serait plus juste de dire « par rapport à l’offre théorique d’aujourd’hui, lorsqu’il n’y a pas de suppression de certains trains ni de départs en composition réduite »)



 



Alors, les infrastructures seront-elles alors en mesure d'absorber cette augmentation de charge? Et bien pas tout à fait. A ce stade il y a notamment deux points noirs qui devraient devenir problématiques s'ils ne sont pas réglés d'ici-là.

D'entrée de jeu, il faut reconnaître que s'il est si tentant de refaire le monde, c'est qu'en matière de technique ferroviaire, les savoirs sont jalousement gardés secret et la ressource (fiable) se fait très rare.

On trouve cependant cette étude de capacité du sillon lorrain.
C’est hyper lourd (370 pages), c'est daté (2014), c’était en préfiguration du cadencement TER 2016, cela ne traite pas du renforcement de fréquences à venir sur  le TER Metz-Lux. Mais il a cet intérêt de faire sortir les points de difficultés lorsqu'on veut augmenter les cadences, et les limites des infrastructures qui, elles, n’ont depuis pas bougé d’un iota.
Faut savoir prendre le temps de chercher (et trouver).










1ère chose: ce tableau d’art contemporain est le graphique spatio-temporel de la ligne Metz-Lux (p33/43). 

C’est là-dessus que bossent les ingénieurs horairistes de la SNCF. 
Cette version d’essai correspond à peu près aux horaires encore en vigueur aujourd’hui. Pour se repérer un minimum dans ce charabia : en abscisses le temps ; en ordonnées le lieu ; chaque ligne correspond au trajet d’un train (en vert, le fret ; en rouge les TGV). On y voit deux choses : Bettembourg – Thionville est moins fréquenté que le reste (car il n’y a pas de superposition d’une autre ligne). 




Et Woippy – Metz-ville est proche de la saturation (comme expliqué dans le doc [p21 à 33; p31 à 43 du pdf]).









Deuxième chose: le long de ces pages, on distingue aussi nettement quatre points noirs où les trains doivent se croiser : l’entrée du triage de Bettembourg, Thionville, Woippy et l’entrée nord de la gare de Metz (Metz-marchandises)
-en vert: le fret
 













Le problème de place sur la "ceinture nord" de Metz (Woippy - Metz ville via le pont Mixte) est donc identifié depuis longtemps. Pour 2016, des bricolages (ralentissements de trains) avaient finalement permis de s'en sortir.



Mais le même doc avait envisagé des solutions. Ces pistes sont évoquées p122 à 139 (p132 à 149 du pdf). La problématique méritera un topo à part (ce sera le prochain épisode) car on y croise plein d'autres externalités.
Il s'agirait, en créant un raccordement, d'éviter le passage du fret par cette ceinture nord.


C'est là qu'on en arrive au niveau 1: à ce stade, rien n'est résolu. 
Il semble que le choix soit porté sur la variante 2 (construction d'une boucle de retournement contre la Seille à Magny), mais que personne n'est chaud pour appuyer sur le bouton.




Affaire à suivre, donc. 
Mais dès lors que l’on évacue la problématique des trains de fret sur la ceinture nord, les limites sont repoussées. Les trains de voyageurs y ont l'exclusivité et les cisaillements de Metz-marchandise et de Woippy sont levés.
 

Si, moyennant la construction d'un raccordement, on peut faire passer les trains de fret nord-sud par un autre itinéraire que la "ceinture nord" (pont-mixte), on a réglé à la fois les cisaillements de Metz-ville, de Woippy, et la surcharge de la ligne, à 2 voies.




A noter également dans les projets "dans les cartons", la « modernisation » du noeud de Thionville. Là encore c’est l’Arlésienne, on n’en parle beaucoup mais personne n’a jamais pu en donner le moindre détail. Néanmoins toujours le même docu en évoquait un modèle. (p25)

Il s’agit surtout d’un aménagement de performance : que les trains n’aient plus à se traîner sur 500m de part et d’autre de la gare.



Mais aussi pour pouvoir recevoir en gare deux trains simultanément:
 
Lorsqu'un train est à quai, le suivant a la voie libre pour accoster sur le quai voisin. Et ainsi prévenir les arrêts en pleine voie lorsque les trains sont rapprochés. Cela devient de plus en plus indispensable au fur et à mesure que l'on augmente la fréquence des TER.


Enfin, il reste un os pour 2028: l’entrée fret du triage de Bettembourg. Et là il n'y a rien dans les cartons - on arrive au niveau 2.
Le problème ne vient pas de l’insertion des trains de fret (1 par heure par sens aux heures de pointe), mais du croisement à cet endroit.
 

Pour quitter la ligne principale et entrer dans le triage, les trains venant de Thionville doivent «cisailler» la voie du sens inverse. Cela suppose qu’aucun train n’arrive en face. En cas contraire, le train doit s’arrêter, au risque de bloquer un TER arrivant derrière.
 
Le temps qu’un long train de fret traverse la voie Bettembourg > Thionville, plus une marge avant, plus une marge après, élimine environ deux passages potentiels de trains dans le sens inverse. Ce point noir fait donc fondre la capacité de la ligne. 
Pour ne rien arranger, on se situe dans une montée particulièrement raide. Et parfois les trains n’arrivent pas à repartir (les locos patinent), et cela a vite fait de paralyser la ligne entière.

Pour remédier à ce problème, on a deux solutions. C’est exactement comme gérer un tourne-à-gauche sur une route. Soit on crée une « voie de stockage », soit on fait un échangeur dénivelé. (Le giratoire n’étant bien-sûr pas transposable.)


On retrouve donc ces deux solutions dans les techniques ferroviaires:

- La solution « light » (au milieu) : le « sas fret » : une troisième voie centrale d’environ 1000m, qui permet au train de fret de dégager la voie principale avant de croiser l’autre.

- La solution lourde (en bas), c’est un saut de mouton (terrier), cad un ouvrage d’art permettant d’éliminer le croisement. La « voie principale » qui redescend vers Thionville plonge sous l’entrée du triage. (scénario du bas)
C'est beaucoup plus cher qu'un sas, beaucoup plus efficace aussi.
 
Le triage de Bettembourg vu du ciel, vers le sud. En arrière plan: la frontière française.
Mais surtout, on est en territoire luxembourgeois. Et s’agissant de travaux visant à faciliter le trafic frontalier, autrement-dit au bénéfice exclusif de l’économie lux., la gestion de ce point noir leur incombe intégralement.


Voilà pour l'horizon 2028, ce qui est en train de se faire, ce qui dort, ce qui va manquer ;
Voyons maintenant le "niveau 3". De quoi aurait-on besoin si on venait à envisager des fréquences TER encore plus importantes ?
 


Voici une représentation graphique des écarts entre les trains de l’offre actuelle en HP (heures de pointe) (on n’est pas dans une représentation spatio-temporelle, seulement du positionnement des trains les uns par rapport aux autres).



On voit que finalement, le plus dur n’est pas d’insérer des trains de fret (vert foncé), qui partagent qu’un court tronçon et peuvent s’adapter au rythme du train précédent, mais les TGV, qui ne desservent pas d’arrêts intermédiaires et rattrapent rapidement le train précédent.
 

Mais les TGV sont relativement rares, et se concentrent essentiellement dans le sens inverse des pointes. Le matin vers Luxembourg, les premiers TGV arrivent après l’heure de pointe. Le soir en redescendant, il y a deux insertions difficiles.

Les horaires TGV peuvent varier légèrement d'un jour à l'autre. Ci-contre le cas d'un mardi typique (18/10/22)
 
… Soit moins d’1 train par heure. Les insertions peuvent donc se faire en "sacrifiant" un des nombreux sillons TER. Plus la fréquence de ceux-ci est élevée, moins c'est impactant. C'est en fait ce qui se fait déjà aujourd'hui. (le départ Lux 17h09 fusionné avec le précédent.)

D’après les infos presse concordantes, voici à quoi devrait ressembler l’organisation de l’offre 2028 (8 TER/h, moyenne 1TER/7min). On a toujours nos 3 missions (1 omnibus Lux-Metz, 1 semi-direct Lux-Metz, 1 Lux-Thi), non plus toutes les 30, mais toutes les 20 minutes.
 

Que se passe-t-il si on veut augmenter la fréquence davantage ? 
Voici un exemple de simulation d’un passage à 10 TER/h (moy 1TER/6min ; 30 000 places assises en 3 heures de pointe).
 Que voit-on? Beaucoup de choses!
- Toujours pas de problème particulier sur Bettembourg-Thionville
- S'assurer que la signalisation (ERTMS) permette un intervalle des trains de 3 min.
- L'aménagement à Thionville est appréciable pour éviter les problèmes de gestion du trafic au moindre incident.
- L'insertion d'un TGV est envisageable, moyennant la suppression d'un des deux sillons fret, ainsi qu'un TER Lux Thionville
- A fortiori la dénivellation de l’entrée du triage de Bettembourg semble incontournable.
- On aurait donc chaque heure 10 TER + 2 fret, ou 9 TER + 1TGV + 1 fret
Sur ces 10 TER: 4 omnibus, 2 semi-directs, 2 directs, 2 omni Lux - Thi.

- Autre chose: ce graphique suppose de pouvoir organiser des dépassements de trains entre Thionville et Woippy, et l'absence absolue d'autres croisements.
Or, en plus de tous les aménagements évoqués jusqu'à présent, il reste les cisaillements de Thionville... 

 
C'est là où on doit bien passer par la case ouvrages d'art. En gros reproduire la même organisation optimale des quatre voies qu’on a au sud de Metz (jusqu'à Arnaville).
Il y aurait besoin de deux ponts au sud de Thionville, et un à la bifurcation de Metz-nord.

Cet aménagement "royal" (ci-contre) suffit pour rendre tout cela possible. Sans infrastructure nouvelle.

De la sorte, on a une capacité potentiellement supérieure à celle des RER parisiens. Le tout en se limitant à des modifications limitées et ponctuelles, et sans emprises nouvelles (sauf peut-être une bande à Metz-nord pour le scénario le plus lourd)   

A gauche (Maison-Neuve), l'aménagement  est similaire à la bifurcation d'Arnaville (Novéant), à la différence que les trains roulent à droite. A droite (Metz-nord), un saut de mouton permet de placer les voies du même sens côte à côte, ce qui évite de "cisailler" une voie dans le sens inverse si un train doit passer de l'une à l'autre.


Sauf qu'en fait on peut s'en sortir avec moins!

C’est contre-intuitif, mais à ces hautes fréquences, plus on augmente le nombre de trains, plus on peut se passer de voies supplémentaires. Les passages nombreux permettent de répartir les arrêts équitablement entre les trains.
Par exemple, en organisant trois missions comme cela, tous les trains effectuent quatre arrêts intermédiaires (plus Thionville), et peuvent ainsi tous prétendre à la vitesse moyenne de nos semi-directs actuels (dont on reconnaît la mission orange).
Plus besoin de dépassements!
Si au lieu d'avoir des trains directs et d'autres qui effectuent tous les arrêts, on a plusieurs missions qui effectuent peu d'arrêts, les trains ne se rattrapent plus, et on a plus besoin de solliciter les quatre voies entre Thionville et Woippy.

 
Ne restent plus que les cisaillements de Thionville et le besoin de ne plus être croisé sur l'ensemble de la ligne. Un seul pont pour inverser les voies fret et voyageurs entre Thionville et Woippy suffit alors.
Lieu optimal: Maison Neuve, au nord d'Uckange.

Le besoin d'investissement dans l'infrastructure est réduit de moitié (voire des deux tiers); un seul franchissement reste nécessaire, pour garantir la stricte indépendance des circulations TER Metz-Lux des autres.











De la sorte, on modifie le fonctionnement actuel au minimum, et on réduit au minimum les embranchements sur les voies voyageur. Les lignes de Jarny, Longuyon, Trèves, Sarrebruck (et le futur port d'Illange) se raccordent alors sur les 2 autres voies.



Placé à Maison Neuve, entre Uckange et Thionville, cet unique pont permettrait à lui seul d'isoler les voies voyageurs du Metz - Lux des autres lignes.
 









Et les quelques autres trains qui utiliseraient la ligne (fret entre Thionville et Bettembourg, et quelques TER Metz-Trèves) peuvent utiliser cet ouvrage pour entrer et sortir de la ligne sans impacter le sens inverse. Cela maximise l'indépendance des circulations.









De plus, cela permet de réaliser des courbes d’un rayon de 1000m, rendant possible les 160 km/h entre Thionville et le sud d’Uckange.
Enfin, on peut simplifier les travaux avec la déviation des 4 voies principales sur le faisceau du triage inutilisé à cet endroit.

Voyez, par l'organisation de la desserte, on peut éviter un investissement trop lourd.
Le seul saut de mouton de Maison Neuve s'estime entre 35 et 100M. La version Maison-Neuve + Metz nord entre 120M et 230M. 
Ces estimations de coûts sont faites à partir de chantiers équivalents, qui se trouvent mais sont très rares (Moirans, Bezons, Mantes-la-Jolie, Lausanne...), d'où l'importance des fourchettes, par sécurité.

Et si on envisage de pousser le curseur encore plus loin ? Allez, testons les 12 TER/h (moy 1TER/5min ; env 40 000 places assises en 3 heures de pointe).
ça commence à faire vraiment beaucoup... Mais avec des trains circulant à la même vitesse moyenne, ils n'ont pas besoin de se rapprocher davantage qu'actuellement!

12 TER/h Lux - Metz, +1TGV, +2fret, ça passe: les trains évoluent tous à la même vitesse moyenne. 
Avec éventuellement un renforcement de signalisation (ERTMS niveau 2) et les aménagements décrits précédemment (sauf le pont de Metz-nord). Mais toujours pas besoin de voie supplémentaire.

Augmenter la capacité de la ligne TER, c'est bien... Mais est-ce viable si cela ne concerne grosso- modo que ceux qui habitent près d'une gare?
Après on peut encore s’amuser à pousser le bouchon encore plus loin, essayer 15 TER/h, on approche les 50 000 places en 3 heures de pointe. (rappel, contre 9000 aujourd'hui).

Mais le potentiel voyageur pourrait-il suivre ? 
Car bien avant d’arriver à ce niveau-là, se posera la question de l’acheminement des voyageurs jusqu’au train.
En fait c’est déjà un problème aujourd’hui. On ne s’en rend pas trop compte parce que la ligne TER surcharge et dysfonctionne quotidiennement. On se dit donc que l’urgence est de corriger ces problèmes, en s’imaginant inconsciemment que tout ira bien après. 

Mais en fait, si on arrive vraiment à réduire les dysfonctionnements à un niveau anecdotique, on s’apercevra alors que ce n’était pas le plus gros problème.
Celui-ci étant l’absence de maillon de la chaîne pour prendre le relais entre le domicile et les gares.

Un problème est en train d’être réglé avec un excellent projet, d’autant plus remarquable que c’est rare : l’aménagement de la gare de Thionville, la construction d’un TCSP pour y accéder et surtout son ouverture vers Yutz Cormontaigne.

Mais si Thionville fait de beaux projets d’urbanisme, ce n’est pas le cas en transport urbain. Et ce n’est pas la construction de deux ponts qui changera la donne (les aménagements Citézen relèvent d'ailleurs davantage d’une opération d’urbanisme que de transport urbain).

Pendant ce temps, le réseau urbain de Thionville est à un stade quasi mourant. Ne parlons même pas du SMITU. Non seulement le service dysfonctionne lourdement depuis toujours, mais en plus il est très mal conçu à la base.

La plus grosse lacune qui empêche le développement des TC, tant dans l’agglomération thionvilloise que pour les frontaliers, c’est celle-ci. Là encore cela méritera un épisode entier tant la situation est dramatique à tous les niveaux.

Ensuite on peut souligner le même problème dans le bassin Orne-Moselle. Cette fois-ci, le réseau urbain ne dysfonctionne pas : il n’existe pas. Grosse lacune là-encore. (on en parlait déjà là https://mocrilorn.blogspot.com/2022/12/episode-4-la-tremie-de-marange-silvange.html)

Pour repousser les limites de la part modale du rail, il y a aussi le développement de l'étoile ferroviaire de Thionville, énorme potentiel et qui en plus profiterait à la mobilité locale.






Et enfin des rabattements pour la voiture, autrement-dit des P+R, mais qui soient correctement aménagés et placés (parce que bien souvent l’aspect fonctionnel est bâclé). Et on a un site idéal pour cela : Walygator.
Le parking est immense (7000 places), vide à plus de 90% l’essentiel du temps, positionné au niveau d’une gare sur le sillon, et l’accès est royal : une voie rapide directe depuis l’A4. De quoi être attractif pour tous les frontaliers arrivant par Metz-est qui pourraient éviter l’A31.
 

Et puis, dernier point important: ne pas faire d'infrastructures nouvelles, en plus des aspects financier et destructeur, a un autre avantage: ne pas se retrouver avec des friches d'ici quelques décennies, si d'ici-là cette demande de sur-mobilité venait à baisser.
 





Voilà, tout ça pour dire à quel point les projets titanesques sont inadaptés (on vous fait grâce du monorail). Quitte à investir massivement dans les infrastructures ferroviaires, autant accélérer la mise en accessibilité des gares du sillon (Uckange, Woippy, Maizières…)
 



Conclusion :

1) D’ici 2028 des projets sont en cours (grossissement des trains, adaptation des infras en conséquence, augmentation des fréquences) et la Région fait globalement ce qu’il faut.

2) On peut envisager de pousser l’offre beaucoup plus loin, cela finit par demander des adaptations locales d’infrastructure, mais sans commune mesure avec des voies supplémentaires ou des infras nouvelles.


3) Une fois levé le problème des « trains sardines », ce qui limitera le développement du trafic voyageur sur cette ligne sera surtout l’accès et le rabattement sur les gares, en transports en commun comme en P+R efficaces.


*FIN*



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