Episode 14: L'idée d' ▶️une ligne TER Luxembourg - Bouzonville - Sarrebruck◀️ (26/04/23)
A l’occasion du « train du vendredi Saint », plusieurs médias de Moselle et de Sarre ont focalisé sur le projet de liaison TER tri-national Luxembourg - Thionville - Bouzonville - Dillingen - Sarrebruck.
Le sujet est d’actualité car des études sur la faisabilité de ce qui est un serpent de mer sont en cours.
De quoi s’agit-il ? Quelles opportunités ? Quelles chances d’aboutir ? Quels enjeux ? Peut-on aller plus loin ?
1 - De quoi s’agit-il ?
L’idée serait de développer une liaison TER tri-nationale entre Luxembourg, Thionville, Bouzonville, Dillingen et Saarbrücken. (Environ 115 km)
Rappelons qu’il n’existe pas de ligne ferroviaire plus directe entre le Luxembourg et la Sarre, grosse réserve potentielle de main d’œuvre.
L’itinéraire est électrifié à l’exception du tronçon Bouzonville – Dillingen (env. 20km), actuellement inutilisé.
Cette liaison est défendue par le cheminot blogueur lorrain Bernard Aubin depuis près de 25 ans.
On n’a pas de détail sur le plus fondamental : ▶️quel serait le niveau de l’offre ferroviaire, le cas échéant ?◀️
2- Ce projet est-il pertinent ?
Mais non, en tant que tel ce projet n’est pas pertinent, et n’a même quasiment aucune chance d’aboutir. Voici pourquoi.
Première difficulté : le temps de parcours. La ligne Thionville – Bouzonville a un profil défavorable, un tracé tortueux et la vitesse est limitée à 80 km/h.
De plus, l’itinéraire comporterait un « retournement » à Thionville (le train doit repartir vers la direction par laquelle il est arrivé, ce qui implique que le conducteur change de cabine). Ce qui ajoute environ 10 minutes d’arrêt.
Même en ne faisant d'arrêt intermédiaire qu’à Howald, Bettembourg, Thionville, Bouzonville, Dillingen & Sarrelouis, on arriverait à un temps de parcours de 2h entre Lux. et Sarrebruck.
▶️C’est autant que le temps qu’il faut pour le même trajet avec correspondance à Metz.
C'est aussi nettement plus long que les autocars directs (~1h15 entre Luxembourg et Sarrebruck)
Autre difficulté : le tronc commun avec la ligne du sillon lorrain entre Luxembourg et Thionville.
Il est très chargé, et c'est en partie pour cela qu'a été abandonnée la ligne Thionville - Longwy via Belval.
A présent, le Luxembourg entreprend des travaux gigantesques pour séparer deux lignes en tronc commun, (Lux - Thionville & Lux - Esch). Ce serait paradoxal d’y recréer un nouveau parasitage. D’où, un accueil circonspect du projet par le Luxembourg.
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La ligne Thionville – Dillingen, ici à Niedaltroff (D). Elle n’est pas électrifiée, contrairement au reste du parcours. |
Et il y a la question du tronçon Bouzonville – Dillingen qui n’est pas électrifié (faudrait-il affréter des trains thermiques, bimodes, mettre une caténaire ?
C'est certain qu’on pourrait équiper une flotte de train spécifique.
Pas si évident lorsqu’on voit tout le feuilleton pour équiper nos TER 2N de l’#ERTMS pour pouvoir re-circuler au Luxembourg.
Et s’il fallait choisir quels trains équiper, il faudrait avoir une idée de son taux de remplissage. Le risque étant d’avoir un train pris d’assaut entre Luxembourg et Thionville, et quasi-vide au-delà.
S’il s’agissait de gros trains (TER2N), en prolongement d’une mission existante Luxembourg – Thionville, les sièges vides promenés dans le bouzonvillois seraient alors autant de capacité prélevée sur le parc du sillon lorrain.
Et s’il s’agissait de trains plus petits, alors qu’il semble déjà malvenu de prélever de la capacité sur la (future) ligne Thionville – Luxembourg, qu’en serait-il s’il c’était au profit de trains peu capacitaires…
C’est à ce moment-là qu’une idée alternative s’invite au débat : limiter la liaison à Thionville – Sarrebruck en correspondance avec les TER du sillon lorrain.
Cela lève le problème de la cohabitation sur le tronçon Thionville – Luxembourg, à Thionville le temps de correspondance remplace le temps de retournement, on a du matériel roulant adéquat (de plus petite taille), et pas de problème pour l’absence de caténaire au milieu du parcours.
3- Un jeu politique ?
C’est ce qu’on retrouve comme souvent en toile de fond.
Première anomalie : le soutien actif du patron de la Moselle, Patrick Weiten, qui n'avait jusqu’à présent jamais montré d'intérêt pour le rail. Cela interroge.
Le premier demandeur politique (donc hors Bernard Aubin) est le maire de Bouzonville, Armel Chabane, par ailleurs vice-président du conseil départemental.
On imagine alors que, saisi par Chabane sur le sujet, un Weiten dubitatif a consulté ses équipes techniques sur la faisabilité, et après un retour tout aussi dubitatif, Weiten a accédé à la demande de Chabane et poussé celle-ci. Pourquoi? Parce que cela permet de faire du "travail électoral" dans ce secteur rural, sans prendre de risque. En demandant une étude, Weiten relaie une demande locale, en attendant les résultats défavorables d’une étude.
On imagine que Jean Rottner a suivi le même procédé. Probablement informé par ses services que l’étude d’un tel projet donnerait un résultat peu ou prou similaire à ces tweets, il était alors tout à fait logique de pousser la demande. Tant qu’il ne s’agit que d’études, ça ne coûte rien.
Et comme souvent, c’est François Bausch qui porte le regard le plus juste. Peut-être parce que comme souvent il reste en dehors de ces petits jeux.
4- Une mauvaise idée ?
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| L’ancienne gare de Kédange-sur-Canner |
Il suffit d’ailleurs, pour élargir la problématique, de se souvenir d’où vient l’idée de départ : de Bouzonville.
En fait, le projet de ligne transfrontalière ne semble être qu’un prétexte pour désenclaver le bouzonvillois.
Or, si ce n’est que ça l’objectif, la réponse est simple : il suffit de remettre des trains sur une infrastructure existante. Avant il y avait des trains, qui ont progressivement disparu, au profit d’une "mise sur route".
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| L’ancienne gare de Freistroff |
Le reste étant 6 A/R en autocar, sur un itinéraire qui suit tant bien que mal celui de la voie ferrée. Comptez 68 minutes (pour 30 km). Depuis l’autocar a remplacé le dernier aller-retour.
Conscient que l'ancien service ferroviaire a péréclité, Armel Chabane voit en cette liaison Luxembourg - Sarrebruck, avec sa forte dimension symbolique et son potentiel voyageur plus large que la ruralité bouzonvilloise, un bon prétexte pour faire revenir le train à Bouzonville
Sauf que ce nouveau débouché n'en est pas un, et que le train de proximité, lui, en était un.
L'erreur, comme souvent, revient ici à la SNCF, qui pendant des années a poussé à la dégradation puis la "mise sur route" des dessertes ferroviaires de proximité.
Alors abstraction faite des velléités politiques, phrases choc et petits calculs supposés de chacun, quel potentiel peut-on imaginer à cette ligne Thionville - Bouzonville?
Il est vrai que le potentiel du territoire traversé, très rural, paraît famélique, surtout à côté du sillon lorrain. (Ou est-ce la surdensité du sillon lorrain qui donne une apparence ridicule à ses abords?)
Cela ramène à la problématique de la desserte des zones rurales. Et les mauvais choix faits par les politiciens, svt poussés par la SNCF: "les transports dans les territoires ruraux, ça coûte cher, alors qu'ils se débrouillent". A présent le service en campagne est mauvais partout; pire, ils servent de référence. Elle est là l'erreur.
Souvent, ces problématiques se posent quand il est question de rouvrir une ligne. Ce n'est pas le cas ici, la ligne est déjà fonctionnelle; il s'agit juste d'y réintroduire des TER de proximité.
Nous avons déjà identifié un potentiel particulier sur la partie entre Thionville et Budange. Là, on est dans le périurbain thionvillois, et la demande en transport est dopée par les nbreux travailleurs frontaliers qu'abritent les villages concernés. https://piaille.fr/@mocrilorn/109388107866370398
Au-delà plus à l'est, on ne peut peut-être pas imaginer tout de suite des trains cadencés à l'heure, mais a minima le retour sur le rail de nos 6 A/R par jour entre Thionville et Bouzonville.
Naturellement, le potentiel voyageur de ces trains serait plus intéressant si la liaison allait au-delà de Bouzonville. A Dillingen, pourquoi pas. Ou à Béning (voire Forbach). D'autant que les territoires traversés à partir de Falck sont nettement + denses.
Evidemment, qu'ils effectuent des missions Luxembourg - Sarrebruck ou Thionville - Béning ne fera pas aller les trains plus vite sur cette ligne. Mais des trains Thionville - Bouzonville concurrenceront mieux les autocars existants sur cette liaison.
Et surtout, l'objectif sous-jacent, celui du désenclavement du bouzonvillois, est atteint. Sans avoir à trouver d'autres prétextes (comme si c’était la honte…)
En résumé :
1) Trop lente, trop longue, trop hétérogène, parasitant le sillon lorrain, ne rivalisant pas avec un passage par Metz ou des autocars directs, une ligne TER Luxembourg – Thionville – Bouzonville – Sarrebruck ne semble pas pertinente.
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| L’ancienne halte de Metzervisse |
3) Au-delà de Kédange, le retour des trains s’envisagent aussi, soit jusqu’à Bouzonville, soit au-delà vers Dillingen, soit au-delà vers Creutzwald, Béning et Forbach. Par exemple à raison de 6 à 10 A/R par jour.









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